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A Esined et aux autres...

À Esined et aux autres, Hank Vogel.jpgAltruiste

 Comme je fais partie de la race des altruistes, je suis forcément tolérant. Dans le pire des cas, l’Autre n’est jamais un ennemi mais un être inquiétant. C’est vrai, je suis un altruiste dangereux pour ma famille. Ma femme me dit souvent: Cesse de donner tout aux autres. Tout? Non, pas tout. Ma deuxième paire de chaussures, ce n’est pas tout. Le jour où je donnerai la paire que je porte, alors on pourra dire tout... Quand j’étais petit,  je voyais souvent, par la fenêtre de ma chambre, défiler des prisonniers enchaînés l’un à l’autre comme des esclaves. Ces pauvres créatures, sales et couvertes de tissus tout déchirés, étaient menées à la baguette par un gendarme qui affichait de la fierté et du plaisir sur son visage. Un jour, attristé sans doute par la cruauté de ce spectacle, je m’approchai du gendarme et lui dis:

 - J’aimerais aider ces prisonniers.

 - Comment? me demanda-t-il, tout étonné.

 - J’ai de l’argent.

 - De l’argent?

 - Oui, de l’argent.

 - Où est-il?

 - Dans ma main.

 - Ouvre-la!

 Quand j’ouvris ma main droite, les prisonniers me firent un grand sourire... La suite, je m’en souviens pas. Tout ce que je sais, c’est que mon geste, quelques misérables piastres, le geste d’un enfant blond aux yeux bleus, d’un enfant venu d’ailleurs, donna quelques secondes de joie à des prisonniers, noirs, enchaînés comme des esclaves. Extrait de Schiberen.

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