Je suis scout-routier et encore puceau malgré mes dix-huit ans. C’est normal, je suis dans la norme.
En apparence seulement! Aux yeux de ceux qui me regardent et m’écoutent. Et de ceux qui ont lu la première partie de cet ouvrage peut-être.
Car j’ai omis de vous dévoiler mes plus intimes secrets.
D’un côté, cette façade me concernant est trompeuse et de l’autre, elle reflète bien l’animal inexpérimenté que je suis. Considérant que, dès notre naissance, le sexe est en nous mais qu’il n’acquière une sérieuse compétence, sexuelle forcément, qu’en se baladant ailleurs, avec sa grande complice la bouche. C’est-à-dire, pour un homme, à l’extérieur et à l’intérieur d’un corps féminin. L’anus n’est qu’un refuge fortuit habituellement mal considéré. Bien qu’il soit très prisé chez les bisexuels et jugé primordial chez les homosexuels qui forniquent toujours avec des femmes.
Donc, pour dissiper ce brouillard qui a tendance à persister autour de moi:
Mon zizi a déjà pas mal voyagé. A Alexandrie, entre les doigts de ma petite copine Saïouda et à Paris, entre et au-delà des cuisses de deux prostituées, l’une algérienne et l’autre française. Mais ma bouche, elle, est encore totalement vierge. Jusqu’à aujourd’hui, aucune lèvre n’a effleuré les miennes. Et je ressens cela comme une frustration, un handicape.
D’où ma tronche d’enfant de cœur, probablement.
Pour moi, le baiser c’est tout. C’est l’invitation à l’amour, au vrai amour.
≠
J’ai donc hâte de retourner là où je suis né.
- Mais pour qu’elle raison cet empressement? me demanderiez-vous.
Et je vous répondrais:
- Lisez attentivement cette petite histoire, elle vous mettra sûrement la puce à l’oreille.
Soit:
Un jour, mon oncle d’Amérique, qui était né en Syrie, offrit un billet de dix piastres à mon frère de sang et à moi il ne m’offrit rien. Rien du tout. J’étais à cette époque en terre des pharaons. Le berceau des terres saintes. Le vieil homme (à moi, il me paraissait vieux), malgré ses enrichissantes expériences de la vie, ignorait tout de la psyché enfantine. Ce jour-là, il fit donc de mon frère un enfant heureux. Et de moi un enfant triste. Forcément, je me suis mis à pleurer. Et je fuis me cacher sous un arbre... Dieu, dis-je (en m’adressant vraiment à Dieu), tu es injuste. Tu donnes tout à mon frère et rien à moi. Pourquoi? Parce qu’il est plus grand que moi? Mais le Barbu ne me répondit pas. Pas tout de suite. Mais au bout d’une demi-heure, il se manifesta. En m’envoyant tout simplement dans une boule de poussière un billet de dix piastres. Oui, cette enveloppe magique arriva jusqu’à mes pieds. Comment est-ce possible? dirait ma concierge. Avec Dieu, tout est possible, je lui répondrais. Surtout quand on est enfant. Quand les hommes, par ignorance, nous font terriblement mal au cœur. Et j’ai souvent eu mal au cœur. À la maison. À l’école. Et dans la rue. Peut-être davantage dans la rue. Car la pauvreté des autres m’était insupportable. Ce sont des images qui saignent. Qui nous saignent. Qui me saignaient en tout cas...