Et, grâce à sa rapidité, sa spontanéité ou rien de tout ça, je sens subitement renaître en moi tous mes plaisirs déchus. 

 - Quelle étrange sensation? je marmonne alors.

 - Plaît-il? réagit-elle, légèrement confuse.

 - Pardon, j’étais ailleurs.

 - A chacun son tour.

 - Je ne vous suis pas.

 - Puis-je vous poser une question indiscrète?

 - A condition qu’elle ne dépasse pas les limites du tolérable.

 - C’est-à-dire?

 Je me gratte la tête.

 - Le tolérable varie d’un critère à l’autre, vous savez, m’explique-t-elle avec beaucoup de sérieux. Et les critères sont très nombreux en ce bas monde. 

 - En effet, je reconnais... Alors j’accepte en  retirant mon craintif pré-requis.

 Elle hésite un instant puis elle se lâche, paradoxalement sur le même ton:

 - Êtes-vous marié, pacsé ou collé aux fesses avec votre partenaire? Si ces trois cas de figure ne figurent pas, pas encore ou plus, sur votre palmarès de séducteur dépassé ou en voie de conversion, seriez-vous prêt à participer à un jeu particulier, considéré malheureusement de peu orthodoxe aux yeux des esprits classiques de notre cité? Car j’ai une amie très proche à vous présenter et à caser avant qu’elle n’explose pour de bon. Et vu mon expérience de policière au sein du service des mœurs, il me semblerait que vous ayez tout le potentiel nécessaire pour désamorcer une telle bombe à retardement. Seriez-vous donc prêt à une telle aventure? 

 Totalement désorienté par sa demande qui   frise sémantiquement les discours amphigouriques que j’ai entendus dans ma jeunesse à l’université, je lui réponds en lui demandant:

 - Comment s’appelle-t-elle votre amie?

 - Pourquoi, vous la connaissez déjà?...

 Mais voilà que Portier se ramène en hurlant:

  - Molly, Molly, vite au turbin! Il y a du grabuge chez les poules.
 
 Et la belle policière disparaît illico presto de ma vue.

 Quelle vie de con, me dis-je en pensant au métier de flic, la moindre réflexion est aussitôt balayée par l’action...