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  • Le récit d'un ordinateur (23, à suivre)

     Le récit d'un ordinateur de Hank Vogel.jpgJ’allume l’ordi et répète à ma nouvelle collaboratrice inopinée tout le topo du commissaire. Résumé en gros, à vrai dire.

     Puis, sans tarder, nous passons en revue toutes les images. L’une après l’autre. Dans l’ordre. Comme si nous lisions un livre de cent-trente pages. Plus rapidement, bien entendu.

     Et au bout du compte, Madame Zuzana Zumstein alias Double Z, concierge  de jour comme de nuit, se retourne vers moi, je suis derrière elle, et me dit en me foudroyant du regard:

     - C’est un récit en images que seules les personnes vraiment intelligentes sont capables de comprendre du premier coup. D’où le ping-pong intellectuel, figlio di puttana.

     - Figlio di puttana, je répète en murmurant  tout choqué... Vous parlez l’italien?

     - Je suis italienne... de Calabre. Et au stade où nous en sommes, tu peux me tutoyer maintenant.

     - OK... Et Zumstein alors?

     - C’est le nom de famille de mon zèbre. Le mien, je l’ai oublié...

     - De ton zèbre?

     - Mon ex mari, si tu préfères.

     - Pourquoi zèbre?

     - Parce que je n’apprécie plus que les gazelles dans cette savane à la con.

     - Je comprends.

     - Non, tu ne comprends pas.

     - Qu’est-ce qui te faire dire ça?

     - Ton incapacité à comprendre ce récit.

     - Et toi, qu’as-tu compris?

     - Combien tu payes?

     - La moitié de la somme que me versera la police. 

     - Alors je ne veux rien, c’est de l’argent sale. Ramassé sur les dos des pommés et des tordus.

     - Et?

     - Quoi?

     - Tu craches ta version ou tu préfères l’avaler toute crue. Sans la moindre proposition ou correction de ma part... Parce que moi aussi j’en ai une qui poirote dans mon ciboulot.

     - Alors qu’est-ce que t’attends pour la transcrire sur un bout de papier?

     - J’ai envie d’entendre la tienne. Un récit bien pensé, et plus tard bien écrit, sonne toujours bien à l’oreille.

     - Je suis d’accord avec toi. Ta phrase m’a séduite.

     Et après deux heures de confrontation houleuse, nous pondons ensemble dans le calme le plus absolu un récit qui tient la route.

     Soit:

     Après avoir jongler avec des oranges, la Déesse de tout l’univers créa un homme très obéissant qui aima sa mère, son père, sa famille, les putes et les nonnes dans les règles l’art. 

     Mais un jour d’orage, à force d’avoir trop fait plaisir à cette divinité exigeante, cet être sensible se révolta et écrivit une histoire absurde afin que ses frères déchus et endormis se réveillent et découvrent avec lui les voies de la liberté et du merveilleux.

     N.B. Le proprio de l’ordi en question est un auteur. Trop intelligent pour être un criminel.

     Après avoir rédigé texte d'un commun accord, j’avoue à ma chère concierge:

     - Je croyais que j’étais le seul et le premier a avoir imaginé et utilisé cette méthode d’investigation quelque peu particulière, hélas le destin m’a prouvé le contraire... Et  ce grâce à qui? Grâce à une anonyme plus experte que tous experts dans ce domaine.

     - Tu exagères, Fritz Niklaus von Glarus, me dit-elle, d’un air blasé... Bien que...

     - Bien que?

     - Tous les inventeurs et innovateurs ne sont  pas dans le dico...