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  • Tendresse tropicale (1, à suivre)

     Tendresse tropicale.jpgLe temps: infecte. L'humour des gens: bizarre. L'amour dans le monde: un grand commerce sans le moindre scrupule.

     Je rentrai dans un café de Moillesulaz, village bientôt ville, peut-être, à une dizaine de kilomètres de la belle et éternelle Genève. Et je commandai un café. On me servit comme d’habitude, c'est-à-dire rapidement. Une des grandes qualités des restaurants helvétiques.

     Une voix étrange me chuchota à l’oreille:

     - Mac, malgré que tu sois un antimilitariste et un militant anti-chasse convaincu,  il est grand temps que tu changes de fusil d’épaule. Tu as 35 ans, sain de corps et d’esprit, et qu'as-tu fait jusqu’à présent? Rien. Simple employé de commerce au service d'une bande de médiocres au service de personne. Il est grand temps que tu bouges. Que tu exploses! Il te faut une femme. Et des enfants... Qu'est-ce qui te fait peur chez les femmes de ton âge? Leurs seins qui ont tendance à baisser d'horizon? Prends une toute jeune, si ce n'est que ça!

     J'allumai ma pipe.

     Oui, c'est vrai, me dis-je, il faut que je prenne mon courage à deux mains. Maintenant ou jamais. Il ne faut jamais remettre à demain ce que l'on peut faire aujourd'hui... C'est bien joli tout ça mais par quoi commencer? C'est samedi. Et comme tous les samedis, en cette période de l’année, les plus belles femmes de la planète sont en train de skier par les hommes les plus minables de la galaxie.

     Je me grattai la tête.

     Les banques sont fermées le samedi, aussi. Pour conquérir une femme, il me faudrait des habits neufs et des chaussures neuves... Est-ce vraiment nécessaire? Pas forcément. Mais ça aide dans certaines circonstances. Oui, mais voilà les banques sont fermées. Quelle idée d'avoir foutu tout mon fric à la banque! Et je n'ai rien de neuf chez moi. A part une chemise bleue d’une taille trop grande et deux paires de chaussettes en laine, qui me font puer des pieds, que ma mère m'a offertes pour mon anniversaire il y a trois mois. Donc côté habit: c’est fichu... Peut-être demander à un collègue de travail? Lui demander quoi? De l'argent? C'est impossible, tous mes collègues de travail sont des éternels fauchés. De me prêter un costard convenable? Encore plus impossible: certains ont des goûts épouvantablement excentriques et les autres abominablement kitsch.

     Je me frottai les yeux. À cause de la fumée.

     - Mac, tu es né à une mauvaise époque, me fit remarquer la voix. Tu es trop classique, trop vieux jeu et bien compliqué... à tous les points de vue.

     Je rallumai ma pipe.

     Je suis le roi des imbéciles, pensai-je. Tous mes anciens amis sont mariés sauf moi. Je précise: soit avec une femme, soit avec un homme. Mais ils sont tous mariés, qu'importe leur moralité.

     Je me frottai le visage.

     - Mac, agis avant qu'il ne soit trop tard, me supplia la voix. Épouser une femme, ce n'est tout de même pas la mer à boire? 

     - Je suis d'accord, je murmure. Mais avec qui? Qui? Qui Bon Dieu?

     Je payai mon café et quittai l'établissement inondé de la fumé de mon tabac...