Le soir de cet après-midi mémorable, toujours à table, le seul endroit où les conversations avec mes parents ont un suivi plus ou moins raisonnable, mon paternel me demande avec un sourire bizarre:
- Alors Charliprofipète, ton entretien s’est sûrement déroulé comme sur des roulettes, non?
- Non, des patins à glace, je lui réponds sèchement.
- Que veux-tu dire par là?
- Ça m’a laissé un froid.
- Pourquoi, tu n’as pas été accepté?
- Si.
- Alors?
- J’aurais préféré que tu n’interviennes pas... Et ce à la dernière minute.
- C’était un pure hasard.
- Mon cul!
- Quelle horreur! s’exclame ma mère.
Le vieux éclate de rire puis il dit à sa tendre épouse.
- Ce n’est qu’un commencement, ma chérie. Ton fiston en sortira bientôt des plus choquants. Là où il travaillera, les grossièretés prolifèrent à vue d’œil.
- On dirait que tu connait cet endroit comme ta poche. C'est là que tu as appris à magouiller? je m’adresse à lui.
- C’est une insulte ou quoi?
- Non, une simple question comme... comme...
- Comme tu aurais aimé en recevoir?
- Exactement!
L’ancien maire pouffe puis il m’avoue avec un profond sérieux:
- Le trois quarts des entretiens, c’est du bidon. Tout est décidé d’avance selon des critères très farfelus. Le pistonnage, ça fonctionne à fond dans ce pays de cocagne... Tu aurais voulu quoi? Passer à la casserole?
- Passer à la casserole! s’inquiète ma mère.
- Subir une épreuve désagréable, lui explique-t-il. Puis à moi:
- Avec une questionnaire à la mords-moi le nœud? A ton grand dam? Pour amuser la galerie? Et après?.... Non, fiston, tu ne mérites pas ça. Toi, tu as fait des études et tu raisonnes humainement; eux, ces experts à la con, n’ont fait que de la politique et en font encore. Capiche!
- ...
- Oui ou merde?
- Oui! je crie...