Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Deux mille vingt-deux (39, fin)

 Deux mille vingt-deux de Hank Vogel.jpgLe lendemain, à l’aube, comme poussé par une force mystérieuse, je bondis du lit, je m’habille en toute hâte et je quitte dare-dare la maison.

 But de cette excitation inhabituelle, insolite, paradoxale, étant donné que  mes collègues me comparent souvent au bradypus variegatus, au paresseux à gorge brune pour les béotiens: revoir Luna et découvrir sa face cachée afin que je ne finisse pas ma vie tel un iceberg à la dérive dans les zones isolées et chahutés par les écolos.

 Pourvu qu’un mec à poil ne soit pas chez elle, me dis-je. Ou une nana un gode à la main, vu la totale libération des mœurs, même ici mais illégalement par un filament de la population seulement.

 Forcément, le pauvre pékin dont la flamme de chasseur s’est rallumée, fabule loin de son terrain de chasse et de sa proie mentalement déjà acquise. Imagine les pires choses. Voit le mal partout. Sauf le mal qu’il se fait.

 Toc toc.

 - C’est moi, ouvre! je hurle.

 - Moi qui? se manifeste une voix androgyne après un laps de temps.

 C’est un homme, je conclus. Et mon cœur se met à battre à cent à l’heure voire davantage.

  - Ulysse, je répond d’un ton abattu, quasi anéanti.

 La porte s’ouvre brutalement, Luna, en pyjama, sort en vacillant et me demande la gueule enfarinée et la gorge enrouée:

 - Que se passe-t-il? L’ennemi des bonnes gens est enfin mort? Tu as vu l’heure que c’est?

 - Mille regrets, je bredouille... L’heure n’existe pas quand on est amoureux. Tu es seule?

 - Plus maintenant puisque tu es là... Tu veux quoi?

 - J’ai une montagne de choses à te raconter. Je peux entrer?

 - Si tu n’as peur d’attraper mon angine.

 - Ça sera notre premier partage.

 J’entre et je  narre lyriquement à Luna tout ce qui s’est passé chez mes parents. En gestes et en paroles, il y va de soi. Si possible dans les moindres détailles. 

 Puis, avec une profonde sincérité, je lui avoue:

 - J’ai menti à ma mère mais je doute qu’elle m’ait cru... Alors, afin de lui éviter d’autres cauchemars, si tu crains être orpheline de mère et de père, acceptes-tu de faire un test ADN?

 La belle à la carabine, définition de ma nounou, me sourit de toutes ses dents et me déclare telle une future mariée face à son futur époux:

 - Oui, je le veux pour le meilleur et pour le pire.

 Puis elle ajoute avec ironie:

 - Car on ne sait jamais, ma vrai mère c’est peut-être mon faux père et vise versa. Les grandes personnes brodent tellement de mensonges aux petits enfants.

 Finalement, me dis-je, deux mille vingt-deux m’aura appris que le monde est vraiment partagé en deux. D’un côté, il y a les cons et de l’autre les autres... forcément.

 A vous de choisir votre camp. Moi, j’ai choisi le mien et j’ai souvent la bizarroïde impression d’être sur un cheval désorienté qui galope tantôt vers l’est tantôt vers l’ouest. Car les belles plaines de la neutralité qu’il espère trouver n’existent pas. Ou plus, prétendent ceux qui les ont fabuleusement rêvées.

 Etoy, le 28 février 2023. 

Les commentaires sont fermés.