Le lendemain matin, au petit déjeuner, après avoir érodé mon omelette quotidienne, ma mère me demande:
- A quoi tu penses?... J’ai l’impression que ton esprit est ailleurs.
- Comme souvent, maman, je lui réponds.
- Mais pas comme d’habitude.
- Qu'est-ce qui te fait dire ça?
- Tu parais très préoccupé... Depuis hier soir.
- Hier soir?
- Tu es parti sans remettre ta montre préféré du jour ou celle réservée pour les bonnes occasions, afin d'épater sans doute les copains...
- Comment le sais-tu?
- Tu as oublié de ranger le coffret de ta belle et fameuse collection... Il y en a douze, je crois...
- Tu fouilles dans mes affaires maintenant?
- Tu les a toutes achetées, j’espère!
- Non, je l’ai toutes volées en ligne. Au prix où elles coûtent.
- Ton humour prouve que tu m’en veux pas. Merci!...
- Je suis trop flemmard pour ça. Mais...
- Au fait, hier soir, je ne t’ai pas vu sortir de l’immeuble. Par où es-tu passé?
- Tu m’espionnes aussi?... Je parie que tu ne t’endors jamais avant je ne sois complètement dans les bras de Morphée, n’est-ce pas?
- Ne suis-je une femme et ta mère?
- Ce qui signifie?
- Mon bicéphalisme est sans doute dû à cela.
- Je crois entendre un philosophe.
- Pourquoi pas une? Serais-tu machiste comme ton père?
- Probablement.
- Dans ce cas, avec ton épouse, future bien entendu, tu ne pourras jamais former un couple parfait... Tel père, tel fils!
- Tu oses dire ça parce que papa est absent?
- Tu te trompes carrément, fiston! Mille fois nous allons discuté sur le sujet, lui et moi.
- Et?
- Et quoi?
- Quel genre de couple êtes-vous?
- Un couple quasi parfait.
- C’est-à-dire?
- Pas totalement accompli.
- A cause de quoi?
- Ton cher père saurait sûrement te l’expliquer mieux que moi.
- Mais où est-il à propos?
- A la chasse comme tous le samedis.
Sur ce, je lève brusquement de table et je dis à ma mère en m’éloignant d’elle et en dandinant:
- Je croyais qu’il préférait la pêche, le farceur... Merci pour le petit déj, future babouchka!...