Elle tire une grimace, également difficile à cerner.
J’aurais dû étudier à fond la science ou les sciences concernant les sourires et les grimaces, me dis-je. Et non pas me contenter de feuilleter de temps à autre le bréviaire destiné aux futurs physionomistes professionnels qui finissent presque tous comme agents de sécurité dans une boîte de nuit ou un casino.
- A quoi tu penses? me demande-t-elle. Tu as l’air tout contrarié.
- Tu es sûrement plus douée que moi? je lui réponds, rudement étonné de son observation... Ou alors tu serais meilleure metteur-en-scène que moi.
- Mais je ne connais rien au théâtre.
- Dans le cinéma et non pas dans ce milieu de gueulard, si tu préfères.
- Pour quelle raison?
- Ta facilité spontanée à lire sur le visage de quelqu’un...
- Je suis vraiment désolée.
- Désolée, pourquoi?
- De t’avoir sous-estimé en utilisant un à la place de le.
- Je ne comprends pas.
- Tu travailles bien dans le cinéma et non pas dans un cinéma, n’est-ce pas?
- Je travaillais... mais dans l’audiovisuel, mon ultime graine-pain.
- Et les bobines alors?
- Ce sont celles de mon dernier film pas encore monté... en tant que cinéaste indépendant.
- Mais tu filmes aussi en VHS?
- A titre d’exercice ou pour tuer le temps. La pellicule 35mm coûte une fortune pour un fauché comme moi...
- Tu me dis ça dans l’espoir de récupérer ton fric? Je ne suis pas la Sœur Teresa, tu sais.
- J’ai une tête à ça?
- Cesse avec ton expression pleurnicharde, s’il te plaît! Tu me rappelles mon père.
Tout à coup, son portable se met à vibrer.
Elle grimace et sourit aussitôt. Elle répète plusieurs ce jeu facial à ne rien comprendre, forcément, puis elle me dit avec un regard stoïque:
- Je dois répondre, c’est un client...