Nous déjeunons dans la joie et la bonne humeur en parlant de tout et de rien.

 A un moment donné, Louise regarde au tour d’elle puis me demande d’air étrange, difficile à cerner ou à cheval entre le terrifié et le terrifiant, dirait pourtant une amie psy qui fume des joints et me court après:

 - C’est du provisoire ou du définitif tout ça?

 - C’est le revers de la médaille, je lui réponds d’un ton rassurant. La vérité, l’honnêteté ou la transparence entre les couples n’est que rarement une assurance pour la vie. La preuve: moi entre ces quatre murs, une prison bien que sans geôlier mais chargée de fantômes.

 - Tu es divorcé?

 - Fraîchement... J’ai déclaré ma flamme à ma maîtresse et... et...

 - E?

 - Mais... mais...

 - Mais?

 - Personne n’a apprécié ma déclaration. Divorce d’un côté, fuite de l’autre. Et pour couronner le tout, j’ai perdu mon boulot.

 - Tu es au chômage?

 - Un malheur n’arrive jamais tout seul. Proverbe très vérifiable chez les téméraires. 

 - Comme qui?

 - Ces faux cow-boys qui se prennent pour de vrais shérifs.

 -  Tu travaillais dans un cinéma?

 - J’ai une tête à ça? De projectionniste ou de placeur?

 - Pas forcément.

 - Alors pourquoi cette question?

 - Les deux gros cartons empilés... qui traînent par terre...

 - Comment sais-tu qu’ils contiennent des bobines de film?

 - Parce que cette nuit en allant faire pipi, j’ai failli me casser la figure à cause d’eux... 

 - Et par curiosité, tu les a ouverts, n’est-ce pas?

 - Oui, mais un seul. Celui du haut, seulement.

 - Dommage pour toi et tant mieux pour moi.

 - Pourquoi tu dis ça?

 - Parce que dans celui du bas, il y a toutes mes économies?

 - Tu plaisantes ou quoi?

 - J’ai une tête à ça? 

 Elle tire une grimace, également difficile à cerner...