Et nous voici, comme d’habitude avant son long voyage pour l’étranger, au café-bar-restaurant Taverna qui n’ouvre ses portes qu’à partir de onze heures.
Nous commandons deux bières et nous discutons à bâtons rompus comme deux jeunes collégiens qui n’ont rien à foutre de leur avenir ni de celle de leur société.
Mais tout à coup, le visage de Raoul se fige et devient pâle comme un linge.
- Que t’arrive-t-il? je demande à mon meilleur ami, avec inquiétude.
Il secoue la tête et me répond:
- Une horrible scène m’a traversé l’esprit.
- Quelle scène? Une scène d’un film?
- Si seulement... Non, un moment vécu...
- Aux États-Unis sûrement, n’est-ce pas?
- Exactement!... Serais-tu devenu devin par hasard?
- Le hasard n’existe pas. Et je ne pratique aucune magie. J’ai tout simplement outrepassé ton raisonnement.
- Comment ça?
- Après ton coup fil de hier soir... c’était bien hier soir, non?
- Si.
- Je me suis dit: celui que l’on arrête parce qu’il a une tronche de terroriste doit certainement passer un mauvais quart d’heure dans un pays ou le racisme a eu et a encore ses moments de gloire parmi la population... Ils t’ont fait subir quoi ces connards de flics en Amérique?
- Je préfère ne pas en parler.
- Alors pourquoi... non, rien. A ta place, j’irai voir un psy.
- Je n’ai fait la guerre, moi!
- Mais la guerre est partout de nos jours. Même sur la toile. Pas avec les mêmes armes, bien sûr, mais avec celles du vocabulaire et des mises à jour... Les cons et les salauds sont partout. Ici comme ailleurs.
- Je prends note... Et si on changeait de disque?
- Pourquoi, tu aurais envie de danser?
Et nous éclatons de rire...