Je franchis sans la moindre hésitation le seuil de la porte du bureau de mon directeur alias le commandant et j’annonce aussitôt à ce dernier avec fierté et à haute voix:
- Mission accomplie, chef!
Monsieur Fridolin Mauer me toise un bon moment puis il me dit avec un oeil fermé:
- Le fait qu’elle soit éternellement ouverte ne te donne le droit pénétrer ici comme dans un moulin. On frappe toujours avant d’entrer, bordel!
- Où... où ça, je bégaie.
- Contre elle, pardi!
- Mais... mais, je récidive.
- Tu sais au moins pourquoi on ne doit jamais la fermer? me demande-il tout énervé.
- S’agit-il bien de la porte? je réplique.
- De quoi d’autre à part ça?
- On ne sais jamais!
- Sais-tu au moins pourquoi?
- J’ai une vague idée.
- Vas-y, je t’écoute!
- C’est que je n’ai pas envie de vous faire perdre votre temps.
- Le vous me le fait perdre davantage.
- Je ne saisie pas.
- Ici, du plus haut au plus bas, on se dit tous tu et les vous, on se les met où je pense. Est-ce clair? Très clair?
- Clarinette, chef!
- Enfin, un peur d’humour! J’aime ça. Passons donc à autre chose!
- Et mon explication alors? Et mon rapport alors?
- Alors, alors! Ça te brûle autant que ça la langue? OK! Je suis tout ouïe.
- Je commence par quoi? Par mon explication sur la porte ou par mon rapport concernant la fille du...
- Oh, oh! Une seule bricole à la fois et par jour, on n’est pas dans le privé que je sache!... Après tout, reviens me voir dans une heure, quand Marie-Madeleine sera là.
- C’est ta secrétaire?
- Non, c’est l’épouse du Bon Dieu.
Il m’en bouche un coin.
- Allez, dehors! crie-t-il...