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  • L'autostoppeuse (14, à suivre)

     Bushmulla  l’autostoppeuse de Hank Vogel.jpgNous payons le sourire aux lèvres et nous sortons de l’auberge discrètement comme des gens bien élevés.

     Mais pour les anges qui nous observent et les caméras cachées:

     Comme promis, Bushmulla paya la bouteille de vin rouge en tirant une grimace pas possible et moi les menus et le pourboire en grinçant des dents. Et nous sortîmes en dandinant et en rotant.

     Je dégaine mon portable de sa four, accrochée à ma ceinture à coté de celle de mon couteau suisse, je l’allume, je clique sur le logo de mon automobile et j’entends aussitôt la voix d’Alfrède qui m’avertit tout haut:

     - Je vous ai repérés, ne me cherchez pas, j’arrive.

     Une minute plus tard, ma voiture autonome se trouve devant nous, les portes s’ouvrent, nous nous installons et elle démarre. En direction de Soral! Là où, à une certaine époque, les Genevois libertins et anti-calvinistes allaient se soulager. D’après ce que l’on raconte.

     Nous roulons et nous nous les roulons comme Raoul, penserait ma concierge si elle était avec nous.

     - L’alcool au volant ne rapportera bientôt plus rien à la flicaille, j’espère! dis-je en faisant semblant de conduire.

     - Pourquoi bientôt et non pas tout de suite? me demande Bushmulla.

     - Parce que la justice ne reconnait pas la mise à jour automatique. Elle préfère son vieux système où tout est long et coûteux pour ceux qui la subissent. Et surtout pour les innocents accusés à tort.

     - J’en sais quelque chose.

     - Dieu sait quoi encore! 
     
     - Je suis une estropiée de l’existence.

     - Tu me l’as déjà dit.
     
     - Je sais. Mais ce n’était que la pointe de l’iceberg. Le titre d’un chapitre, pour un écrivain ou un historien.

     - Donc?

     - Donc quoi?

     - Étant donné que je ne suis ni l’un ni l’autre, je n’ai pas droit au chapitre.

     Elle sourit mais elle grimace aussitôt.

     Drôle de réaction, me dis-je... Mais de quel syndrome souffre-t-elle?

     - N’est-ce pas? je poursuis.

     Elle se caresse le cou puis elle m’avoue:

     - Je suis constamment entre le bien et le mal. A cheval tantôt pour le couvent tantôt  le bordel.

     Elle cligne des yeux. 

     - Crache le venin avant qu’il t’importe à jamais, je lui conseille... Si tu le souhaites, bien entendu.

     Elle hésite un instant puis elle se dévoile sans le moindre flottement:

     - On m’a conditionnée à certaines perversités et jeux pervers et j’ai pris goût à ces saletés. Malheureusement! Et cela me révolte parfois. Terriblement! D’où mes escapades. Mais d’où aussi mes retours au bercail. Aux sources du mal. La culpabilité, sans  doute. Mais cette fois-ci, c’est terminé, je ne m’exhiberai plus jamais devant l’ordinateur de mon soi-disant protecteur de mon  âme et ce afin de permettre à des voyeurs anonymes de mater à fond les parties intimes de mon corps et de s’envoyer en l’air avec mon image. Marie Madeleine à moitié réincarnée d’un côté, Jésus de l’autre. De vrais dépravés mes parents adoptifs. D’après eux, Internet m’a ainsi sauvé de la prostitution. Car, toujours selon eux, les Yéniches, les Manouches, les Gitans et les Tziganes ne sont bons qu’à voler, à vendre leurs enfants et à se prostituer.

     Mais à ce moment précis, Alfrède annonce allègrement:

     - Nous sommes à Soral! Où dois-je me rendre exactement?

     - Ici, ça va très bien, dit Bushmulla automatiquement, toute éberluée.

      La voiture s’arrête sur le champs. 

     Après avoir sorti du coffre ses maigres bagages, je demande à ma passagère hors du commun:

     - Tu as un portable?

     - Jamais de la vie! me répond-t-elle vivement... Il n’y pas pire que ça pour se faire repérer.

     - Oui, c’est vrai, j’avais oublié... Alors, je fais comment si je veux te revoir? Je ne connais même pas ton vrai nom.

     - Ne t’en fais pas! Le tien, je l’ai gravé dans mon ciboulot.

     Nous nous embrassons amicalement et elle   disparaît petit à petit de ma vue...